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Tuerie à la préfecture : « Comment cette personne a-t-elle pu échapper aux écrans radars ? »
Pour le député LR Éric Diard, coauteur d’un récent rapport d’information sur la radicalisation dans les services publics, ce drame révèle de
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Tuerie à la préfecture : « Comment cette personne a-t-elle pu échapper aux écrans radars ? »
Pour le député LR Éric Diard, coauteur d’un récent rapport d’information sur la radicalisation dans les services publics, ce drame révèle de nombreuses failles.
Par Caroline Piquet
Le 5 octobre 2019 à 19h49
La tuerie à la préfecture de police de Paris a plongé cette prestigieuse institution dans la tourmente. Jeudi, Mickaël Harpon, un agent administratif employé comme informaticien à la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), a massacré quatre fonctionnaires, trois hommes et une femme, avant d'être abattu. Ce samedi, le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, a esquissé le portrait d'un tueur à la « vision radicale de l'islam », en contact avec la mouvance « salafiste », qui avait vraisemblablement prémédité son acte. Face à la radicalisation, l'institution policière a-t-elle pris toutes les mesures? Éléments de réponse, avec le député LR Éric Diard, coauteur d'un récent rapport d'information sur la radicalisation dans les services publics.
Comment une personne vraisemblablement radicalisée a-t-elle pu se retrouver ainsi en poste dans une administration aussi sensible ?
ERIC DIARD. C'est la question qui me taraude essentiellement. Cette personne occupait un poste habilité secret-défense, qui impose un contrôle tous les cinq ans par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avec l'IGPN [la police des polices]. Comment cette personne a-t-elle pu échapper aux écrans radars, sachant qu'elle aurait fait l'apologie de l'attentat de Charlie Hebdo ? C'est sidérant. Son habilitation défense aurait dû être retirée. J'ai vu, dans le cadre du rapport, des policiers déplacés dans des postes moins stratégiques pour de simples atteintes à la laïcité.
Cet homme n'aurait jamais dû rester affecté à un poste aussi sensible que le renseignement de la préfecture de police. Cela me paraît inconcevable sachant, qu'il était informaticien. Il pouvait accéder à toutes les informations relatives au renseignement : les affaires, les personnes qui sont suivies, le type d'enquête, les adresses des policiers, etc. Si cette personne a eu tous ces éléments en sa possession, les a-t-elle divulgués, et à qui ? Je peux vous dire que la DGSI est aujourd'hui dans tous ses états. Il y a eu un dysfonctionnement majeur du renseignement français. Je pense qu'il va falloir revoir l'organisation du renseignement, qui me paraît trop complexe.
Vous demandez une commission d'enquête parlementaire. Pourquoi ?
Nous ne voulons pas nous substituer au juge, loin de là. Mais c'est le rôle des députés de savoir comment cette personne a pu se radicaliser. S'est-elle radicalisée sur les réseaux sociaux, auprès de son entourage, ou d'un imam ou d'une mosquée fondamentaliste ? Autre question : comment a-t-elle pu être maintenue à ce poste tout en ayant fait l'apologie du terrorisme ? Et troisièmement, cette personne détenait des renseignements ultrasensibles : qu'en a-t-elle fait et les a-t-elle divulgués ? Ces trois questions doivent être soumises à une commission d'enquête.
Combien de policier et de gendarmes sont-ils suivis pour radicalisation ?
Une trentaine de cas de radicalisation sont soupçonnés dans la police et la gendarmerie sur 150 000 policiers et 130 000 gendarmes au total. Du côté des 43 000 agents de la préfecture de police de Paris, Michel Delpuech [le précédent préfet, NDLR] avait recensé à l'époque une quinzaine de signalements : une dizaine pour des suspicions de comportement radicalisé, et quatre ou cinq autres pour des fonctionnaires en contact avec des milieux radicalisés.
Pourquoi l'armée est-elle moins touchée que par la police nationale ?
Il est vrai que l'armée est relativement épargnée par le phénomène. Dans la marine, le seul cas de radicalisation ayant conduit à affecter une personne à un poste concernait l'ultra-droite. La proportion de radicalisation dans l'armée de terre est évaluée à 0,05 % des effectifs. L'armée, c'est un système très confiné, où l'on vit souvent ensemble, en caserne. Le renseignement remonte très vite. Et en plus, c'est un système de contractualisation dans l'armée ou la gendarmerie. On peut plus facilement évincer les personnes.
Dans la police, en revanche, on est dans le droit du travail. Il faut des faits pour se séparer d'un individu. Il y a des cas minimes d'agents radicalisés qui ont été révoqués, avant d'être réintégrés par le juge administratif. Dans nos préconisations, nous évoquons le problème, lors des contentieux relatifs aux refus d'agrément ou aux sanctions disciplinaires, des « notes blanches », qui ne sont parfois pas versées aux débats parce que les renseignements veulent protéger leurs sources, en raison du principe du contradictoire [qui exige que les pièces fournies à la juridiction soient également communiquées à la partie adverse, NDLR]. Au risque de fragiliser la procédure. Il faut donc réfléchir à la possibilité d'introduire dans la procédure une forme de contradictoire dit « asymétrique », consistant à donner au juge, mais pas au requérant, accès à certaines notes confidentielles des services de renseignement. Ce qui suppose que le magistrat soit habilité au secret-défense.