La rumeur avait commencé à courir il y a quelques jours, elle est à présent une information : Klaus Schwab, nouvel ami des hommes et de la planète réunis, a fait savoir qu’il faudrait désormais exterminer les chiens et les chats qui sont responsables du changement climatique.
Il aurait pu dire, « de la propagation du virus », mais c’est passé de mode. Désormais, l'ennemi c’est « l’empreinte carbone », et tuer nos meilleurs compagnons va régler le problème.
Quand on imagine le pire, on est la plupart du temps encore loin du compte. Ces gens-là ont infiniment plus d’imagination que nous et ils repoussent tous les jours les limites de l’abjection.
Si vous ne le croyez pas, voyez ici :
Klaus Schwab veut abattre les chiens et les chats
Eh bien, figurez-vous que tonton Klaus n’a rien inventé. D’autres amis des hommes ont déjà avancé cette solution abominable pour régler d’autres problèmes tout aussi vitaux. C’était pendant la Révolution.
Le 21 janvier 1793 ne fut pas seulement le jour de la mort du roi Louis XVI, exécuté place de la Révolution, qu’on appelle aujourd’hui La Concorde.
Alors que le couperet tombait sur le col du souverain, un homme venait de mourir dans un tripot du Palais-Royal, ce qui allait donner lieu à un déchaînement d’hystérie patriotique susceptible de détourner l’attention.
Pour ceux qui ne connaissent pas Paris, le Palais-royal est une demeure princière située en plein cœur de la capitale, dotée d'un beau jardin clos entouré de boutiques et de restaurants.
Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, très riche aristocrate qui émargeait à la gauche de la gauche avec son ami Robespierre, y avait été assassiné la veille au soir alors qu'il terminait de dîner. Un certain Nicolas Pâris lui avait demandé s’il avait bien voté la mort du roi et, à sa réponse, lui avait passé son épée à travers le corps.
On tenait là le premier martyr de la République, et la Convention inventa pour ses obsèques, qui eurent lieu trois jours plus tard, une pompe et un faste absolument ridicules.
Puis le Comité de sûreté générale, entièrement renouvelé pour l’occasion, et en ardent défenseur de la Nation, convoqua tous les commissaires de quartier et tous les juges de paix pour organiser avec eux une descente domiciliaire dans le quartier. On n’allait pas ainsi laisser filer l’assassin qui
pouvait encore se trouver sur place !
Une semaine après son forfait, il eût été bien bête !
Qu’importe, les commissaires et les juges eurent beau protester contre cette infamie (on fit signer aux récalcitrants leur refus d’obtempérer), à 8h du soir, le 27 janvier, la troupe boucla le quartier, installa des canons, et procéda à des centaines d’arrestations sous le commandement du général Santerre, celui qui avait couvert de son tambour les ultimes paroles que le souverain avait tenté d’adresser au peuple..
Chacun était prié de montrer sa carte civique (une nouveauté républicaine), on ramassa sans distinction les passants, les gens qui sortaient du spectacle ou rentraient chez eux, puis les soldats se ruèrent dans les appartements du quartier. Ils fouillèrent les logements, les magasins, les boutiques, les arrière-cours, les caves et les greniers, et firent descendre dans le jardin plusieurs milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui passèrent la nuit là à grelotter, tandis qu’on visitait leurs logements à grands coups de pieds, sans égard pour les vieillards alités ou les femmes en couches.
Une fois que tous les appartements eurent été visités, on vit dix mille paisibles citoyens partir en deux colonnes entre deux haies de gardes pour une ultime vérification d’identité. On en trouva cent qui ne purent prouver qui ils étaient, on ignore ce qu’ils sont devenus. Les autres rentrèrent se coucher en claquant des dents.
Enfin, après avoir fait arrêter un journaliste et un libraire, coupables d’avoir mal écrit sur les événements du temps, un homme qu’on avait surpris à pleurer en racontant ce qu’il avait vu à la prison du Temple et une femme qui avait eu l’audace de dire qu’on avait sacrifié le roi, le Comité de sûreté général alla rendre compte de ses exploits à la toute puissante Commune de Paris, nouveau gouvernement de la France.
Tout fier de son expédition contre les habitants du Palais-royal, Santerre vint proposer une solution à la disette, endémique depuis le début de la révolution. Il avait fait le calcul qu’en exterminant tous les chiens et les chats, on économiserait au moins cent sacs de farine par jour, et il se proposait de se charger de la chose.
On est en droit de s’ébaubir devant tant de sollicitude pour la population parisienne. Car quoi, il est de fait que le pain manquait (il n’était pas question de rétablir la police des grains, institution royale honnie !), alors faute d’en trouver plus, il suffisait d’en dépenser moins.
Quelle idée de génie : faire la chasse aux compagnons fidèles, entrer, encore, dans les maisons et les massacrer malgré les hurlements des familles, les poursuivre dans les rues, dans les caves, dans les greniers, enfin partout où ces affameurs du pauvre monde pouvaient se cacher.
Santerre se surpassait. Il avait plusieurs fois montré de quoi il était capable, notamment pendant les massacres de Septembre qu’il laissa se dérouler sans intervenir, alors que la garde nationale dont il était le chef pouvait les arrêter par sa simple présence sur les lieux.
Ce n’est pas par respect pour la vie des bêtes, ni pour les sentiments d’amour que leurs maîtres leur portent, que le général ne put mener à bien son projet d'exterminer les meilleurs amis des hommes. C’est qu’on lui fit remarquer que, quand il en aurait terminé, il lui faudrait commencer une autre campagne contre les rats et les souris, autrement plus difficile celle-là.
Qui arrêtera le plan diabolique de Klaus Schwab ?
Source : le récit ici rapporté est tiré de "
Histoire impartiale des révolutions" de l'excellent Louis-Marie Prudhomme, journaliste digne de ce nom, contemporain et témoin des événements.