Q : (à 26:20) Quelle est la situation des personnes qui se questionnent sur ce qui se passe ? Comment se fait-il qu’elles ne soient pas tombées dans le délire ? Pourquoi des personnes ne tombent pas dans le piège ? Nous avons vu que cela ne dépend pas de si vous êtes un professeur, un avocat ou quoi que ce soit d’autre pour être capable de voir ce qui se passe. Quel est le point commun entre ces personnes ?
R : (AB) Alors, j’ai plusieurs hypothèses.
La première est que ce sont des profiles autonomes qui sont d’être isolés des groupes. Ça suppose, dans son développement psychologique d’avoir intériorisé une certaine autonomie, c’est à dire la capacité à respecter les lois, même si à l’extérieur, ça ne fonctionne plus, même si à l’extérieur tout est transgression (ce qui est le cas du totalitarisme), il y a une autonomie interne qui a été acquise dans le développement psychologique de la personne. Dans cette première hypothèse, ce sont des individus qui ont réellement intégré les interdits fondamentaux de civilisation, notamment l’interdit du meurtre.
Q : (RF) Ils ont une boussole intérieure, si on peut dire. Ils savent où ils vont. Peu importe ce que pense le groupe, ils peuvent encore distinguer le bien du mal.
R : (AB) Oui, je vais y venir parce que ça a un rapport avec la vérité. Le deuxième point… J’ai relevé cinq points pour les personnes qui ne rentrent pas dans ce délire. Donc le premier, capacité d’isolement et autonomie. Je vais juste à chaque fois dire ce que c’est l’inverse pour le totalitarisme. Le totalitarisme, sa proposition c’est « l’individu n’est rien, restons tous collés, le corps collectif est tout ». ça, c’est le premier point. Deuxième point, ce sont des profils qui ont intériorisé, accepté dans leur développement psychique, notre finitude. C’est quoi notre finitude, je ne suis pas tout, ni sur un plan spatial, ni temporel, je n’ai pas tous les droits et je vais mourir.
Q : (??) Ce sont des gens qui sont plus terriens peut-être Ariane ?
Q : (RF) Ils sont connectés à la réalité.
R : (AB) ça c’est un autre point. Le point numéro deux est très important. Psychologiquement, la vie, c’est une perte ; c’est à dire, nous sommes en train d’avancer dans le temps, à un moment donné ça nous rapproche de notre mort, nous ne pouvons pas tout avoir, nous ne pouvons pas avoir tous les pouvoirs, c’est à dire nous sommes des êtres limités. Par exemple, dans ce deuxième point, nous avons conscience du temps qui passe et nous avons conscience que nous n’occupons pas tout l’espace. Pour le totalitarisme, le temps n’existe pas. Il fonctionne de façon circulaire et immobile. Et le totalitarisme vit l’expansion spatiale.
Q : (??) Peut-être aussi avec le deuxième point, cela signifie que vous pouvez voir les limites de ce que vous êtes autorisés à faire, vous savez, en fonction des droits des autres. En fait, nos lois fondamentales… Vous ne pouvez vivre vos droits, vos libertés… sans interférer… Tuer quelqu’un d’autre, ou vous amuser… ou quelque chose comme ça, pas vous amuser, mais vous faites quelque chose qui va tuer quelqu’un et vous vous en moquez.
Q : (??) Est-ce que ça veut dire que les limites, que quelqu’un connaît ses limites là où finissent ses limites et commencent celles de quelqu’un d’autre ; Est-ce qu’on pourrait que c’est une compréhension de la relativité vis à vis de tout le système ?
R : (AB) Tout à fait, de sa propre finitude oui [l’état d’avoir des limites ou des contraintes].
Q : (RF) Cela signifie t-il que les gens soumis au totalitarisme, ces gens, par le fait même qu’ils ont peur qu’un jour ou l’autre, quelqu’un puisse découvrir qu’ils sont tout au plus médiocres, ils finissent par fantasmer sur l’omnipotence et ils veulent vivre pour toujours. Est-ce exact ? Je vous pose une question très simplifiée. Est-ce la raison pour laquelle ces gens adhèrent au totalitarisme, pour nous empêcher de découvrir qu’ils sont simplement médiocres ? Il est alors nécessaire pour eux de s’échapper dans des rêves ou des croyances grandioses, la vie éternelle … et il n’y a aucune limite de temps pour eux.
R : (AB) Absolument, dans le transhumanisme, il y a le délire d’immortalité.
Q : (RF) Cela explique tout, oui.
R : (AB) Troisième point : Une capacité à clarifier les places et avoir un ancrage de vérité. La vérité, l’ancrage de vérité, c’est la capacité de faire la distinction entre la vérité et le mensonge, ça va avec la capacité morale ; d’un point de vue psychologique, ça va ensemble. La capacité de distinguer le bien, le mal. Parce qu’il ne peut pas y avoir de justice si on a pas, on ne recherche pas la vérité. Et à l’inverse, le totalitarisme c’est le règne du mensonge, de l’arbitraire et de l’injustice.
Quatrième point : la capacité psychique pour la personne de surmonter les traumatismes. Ça peut venir de l’expérience passée et une capacité en même temps de prendre de la distance par rapport aux discours qui sont mis sur le trauma parce que le totalitarisme il traumatise [le peuple] mais il dit « c’était pas grave, c’est rien, c’est pour votre bien ». Et le cinquième point, c’est l’ancrage avec la réalité, moins les personnes auront fait des études, plus elles seront en lien avec la réalité de l’expérience, c’est à dire moins elles seront dans le discours et plus dans l’expérience, moins elles sont manipulables.
Q : (RF) Très bien, très bien.
R : (AB) En clair, l’exemple que je prends, si on vous raconte et on vous fait un grand doctorat sur le fait que c’est bien d’arroser une plante avec de l’essence, quelqu’un qui est juste dans la réalité de l’expérience sait que ce n’est pas bien. Il ne peut pas l’expliquer, il sait juste que ça n’est pas bien. C’est ce qu’on appelle en psychologie « Le principe de réalité ».
Q : (??) C’est un bon exemple en fait. (38:22)